Je suis la croix de bois qui tient ensemble
le ciel, la roche, l’horizon et la question de la brise du soir.
Je suis sa parfaite immobilité vivante
guidant le regard démuni vers un infini sourire.
Je suis sa ligne verticale
reliant le ventre de la terre au cœur du ciel,
refuge ultime de la Vie fulgurante
quand elle veut se faire don à l’humanité tout entière.
Je suis ses deux lignes horizontales
unies dans la longue perche du funambule.
Il parcourt consciencieusement avec ses paumes de pied
le fil doré du divin quotidien.
Je suis l’exubérance des anges dodus et nus
qui, aux premières lueurs de l’aube,
s’installent sur ses bras déployés
pour siroter le nectar des fleurs philosophiques
Je suis une croix de bois
qui rêve d’être une harpe géante et sucrée.
Elle offrirait pensivement ses grosses cordes timides
aux doigts agiles des étoiles
Je serais alors le jaillissement imprévu du chant de la terre !
Il grimperait en enlaçant la verticale de la croix,
faisant vibrer l’air surpris alentour
d’une voix rauque et fiévreuse.
Je suis la fibre éternelle
d’une croix bien entendue
de haut en bas et de gauche à droite
dans une éblouissante réciproque.
Je suis les quatre angles perpendiculaires,
heureux alliés de longue date,
dans un jeu de symboles symétriques
dictées par une joyeuse mystique.